Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/238

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Fédor fit tout ce qu’il put en ce moment pour ne pas l’aimer, mais il sentit que ne plus la voir était un effort au-dessus de ses forces ; il ne vivait chaque jour que pendant l’heure qu’il passait avec elle. Il lui dit des choses charmantes avec assez de feu et surtout avec une grâce à laquelle Lamiel commençait à devenir fort sensible.

La paix faite, il la mit à cheval, et non sans certains détails charmants pour un amoureux ; il était impossible de trouver une fille plus jolie, plus fraîche, et surtout plus piquante que Lamiel ne l’était en cet instant ; seulement, elle manquait un peu d’embonpoint. « C’est un des désavantages de l’extrême jeunesse, se dit le duc. » Comme il poussait l’art de monter à cheval jusqu’à la voltige, il y sauta après elle, et plusieurs fois dans la profondeur du bois il obtint la permission de l’embrasser.

Lamiel arriva de bonne heure à B… ; mais, le lendemain, elle attendit et Fédor ne parut point. « Je suis bien dupe de l’attendre ; il n’aura peut-être pas pu expédier ses malles pour Rouen. Mais qu’ai-je besoin de cette jolie poupée ? N’ai-je pas trois napoléons ? C’est plus qu’il n’en faut pour gagner Rouen. » Lamiel prit hardiment la diligence du soir ;