Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/239

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elle la trouva occupée par quatre commis voyageurs ; elle fut révoltée du ton de ces messieurs. Quelle différence avec celui du duc ! Bientôt elle eut grand’peur ; un instant après, elle eut besoin de saisir ses ciseaux.

— Messieurs, leur dit-elle, je prendrai peut-être un amant un jour, mais ce ne sera pas l’un de vous, vous êtes trop laids. Ces mains qui essayent de serrer les miennes sont des mains de maréchal-ferrant, et, si vous ne les retirez à l’instant, je vais les écorcher avec mes ciseaux ; ce qu’elle fit, au grand étonnement des commis voyageurs.

Il faut dire à leur justification : premièrement qu’elle était trop jolie pour voyager seule, et, en second lieu, tout était honnête en elle, excepté son regard. Ce regard avait tant d’esprit que, aux yeux de gens grossiers et peu clairvoyants en fait de nuances, il pouvait paraître provocateur. Lamiel arriva à neuf heures du soir à … En entrant dans la salle à manger de l’auberge, elle trouva douze commis voyageurs à table.

Elle devint l’objet de l’attention générale et bientôt des compliments de tous. Elle avait remarqué que, en diligence, les épigrammes, allant jusqu’à l’injure, avaient produit plus d’effet que la pointe