Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/283

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Lamiel rougit.

M. de Tourte, mon prétendu, parlait sans cesse de Miossens ; l’homme d’affaires de cette famille lui fournissait quatre voix.

Lamiel savait déjà un peu mentir, mais elle appuyait encore trop, elle ne jetait pas les mensonges comme choses sans conséquence, elle avait encore bien à acquérir. Ce qui la faisait mentir, c’était une maxime que Mme Le Grand lui répétait souvent depuis qu’elle lui parlait à cœur ouvert : « Sois riche, si tu peux ; sage, si tu veux ; mais sois considérée, il le faut. »

L’intimité avec le comte dura une demi-journée ; le soir, Lamiel lui trouvait déjà une sécheresse de cœur qui lui coupait la parole. Ses paroles avaient une grande dignité, mais cette dignité lui coûtait bien des efforts ; et Lamiel voyait ces efforts, et elle n’eût pas su dire d’où lui venait son ennui ; seulement, c’était l’opposé de ce jeune étourdi sans réflexion qu’elle s’était figuré et qu’elle aimait d’amour, comme le contraire du jeune duc. L’idée du coup de pistolet, car elle croyait tout ce qui était extraordinaire, chassa bien vite l’ennui. Elle regardait Nerwinde.

— Cette belle figure si froide et si