Page:Stendhal - Lamiel, 1928, éd. Martineau.djvu/338

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plan de conduite, la moindre piqûre d’amour-propre le poussait, la plus petite jouissance d’amour-propre l’attachait en apparence à un parti et l’habitude de son métier qui dans les premières années lui avait été strictement nécessaire pour vivre, lui avait donné l’habitude de remuer et d’agir sans cesse. Dès qu’il n’agissait pas, dès qu’il ne remuait pas, dès qu’il ne tenait pas le dé dans un salon bien peuplé, il se figurait que l’on pensait à sa bosse et il y songeait lui-même.

À peine la maladie de la jeune Lamiel avait-elle duré un mois, que la belle Mme de Miossens était accoutumée à la figure du docteur Sansfin, à la nécessité où il était de parler toujours, aux figures brusques et aux ellipses hardies de son style. Le bossu était devenu amusant pour elle ; elle en était venue au point de lui passer ses insolences, car elle appelait ainsi certaines vérités simples et qui passent pour évidentes partout ailleurs que dans le château d’une duchesse.

Deux ou trois fois Sansfin, dont l’amour-propre était à la fois implacable et fort chatouilleux, avait passé quarante-huit heures sans venir au château parce que la duchesse de Miossens lui avait fait une scène à propos de quelque lieu commun dit par lui sans songer à mal. Or Mme de