Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/299

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tout voulait qu’il fît de Lucien son ami intime. M. de Vassigny venait chercher Lucien chez lui. « C’est trop d’honneur, pensait celui-ci ; mais que me restera-t-il en ce pays, si je n’ai pas du moins un peu de solitude chez moi ? » Enfin, Lucien s’aperçut qu’après l’avoir suffisamment dulcifié par les compliments les plus flatteurs et les mieux faits, le comte l’accablait de questions. Lucien tâchait de répondre en Normand, pour s’amuser un peu pendant ses visites si longues ; car le temps semble ne pas marcher à ces provinciaux, même aux plus polis ; une visite de deux heures est chose commune.

— Quelle est bien la profondeur du fossé creusé entre le palais des Tuileries et le jardin ? lui disait un jour le comte de Vassigny.

— Je l’ignore, répondit Lucien ; mais cela me paraît difficile à franchir les armes à la main.

— Quoi ! s’agirait-il de douze ou quinze pieds de profondeur ? Mais l’eau de la Seine pénétrerait au fond de ce fossé.

— Vous m’y faites penser..... Il me semble que le fond est toujours humide ; mais peut-être aussi n’a-t-il que trois ou quatre pieds de profondeur. Je n’ai jamais songé à reconnaître ce fossé ; j’en ai cependant entendu parler comme d’une défense militaire.