Page:Stendhal - Lucien Leuwen, I, 1929, éd. Martineau.djvu/300

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Et, pendant vingt minutes, Lucien chercha à s’amuser par ces propos ambigus.

Un jour, Lucien vit madame d’Hocquincourt excédée de M. d’Antin. Ce bon jeune homme, si Français, si insouciant de l’avenir, si disposé à plaire, si enclin à la gaieté, était, ce jour-là, fou d’amour et de tendre mélancolie ; il avait perdu la tête, au point de chercher à être plus aimable qu’à l’ordinaire. Au lieu de comprendre les invitations polies d’aller se promener quelques instants et de revenir plus tard que madame d’Hocquincourt lui adressait, M. d’Antin se bornait à arpenter le salon.

— J’ai grande envie, madame, lui dit Lucien, de vous faire cadeau d’une petite gravure anglaise, arrangée dans un cadre gothique délicieux ; je vous demanderai la permission de la placer dans votre salon, et, le jour où je ne la verrai plus à sa place ordinaire, pour vous marquer mon dépit d’une action aussi noire, je ne mettrai plus les pieds chez vous.

— C’est que vous êtes un homme d’esprit, vous, lui répondit-elle en riant ; vous n’êtes pas assez bête pour devenir amoureux..... Grand Dieu ! peut-on voir rien de plus ennuyeux que l’amour ?.....

Mais de tels mots étaient rares pour le pauvre Lucien ; sa vie redevenait bien