Page:Stendhal - Lucien Leuwen, II, 1929, éd. Martineau.djvu/214

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jambe et l’empêcha ainsi de marcher pendant un mois[1]. Peu de jours après, il arriva chez elle d’un air sérieux qui devint sombre en lui tâtant le pouls, et il l’engagea à toutes les cérémonies religieuses qui, en province, sont comprises dans ce seul mot : se faire administrer. Tout Nancy retentit de ce grand événement, et l’on peut juger de l’impression qu’il fit sur Leuwen : madame de Chasteller était donc en danger de mort ?

« Mourir n’est donc que cela ? se disait madame de Chasteller, qui était loin de se douter qu’elle n’avait qu’une fièvre ordinaire. La mort ne serait rien absolument si j’avais M. Leuwen là, auprès de moi. Il me donnerait du courage si je venais à en manquer. Au fait, sans lui la vie aurait eu peu de charmes pour moi. On me fait bouder au fond de cette province, où avant lui ma vie était si triste… Mais il n’est pas noble, mais il est soldat du juste-milieu ou, ce qui est encore pis, de la république… »

Madame de Chasteller parvint à désirer la mort.

Elle était sur le point de haïr madame d’Hocquincourt, et quand elle surprenait

  1. Est-ce ignoble ? Mais tout est ignoble en fait d’intrigue aux yeux de nos délicats. Il faudrait réussir avec des feuilles de rose.