Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/12

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Il tentait toujours les coups les plus difficiles, et avait le malheur de ne jamais faire la bille de madame Grandet et de la placer presque toujours dans une position avantageuse. Madame Grandet était heureuse.

« La chance de gagner une poule de vingt francs, se dit Lucien, donnerait-elle de l’émotion à cette âme de femme de chambre hôte d’un si beau corps ? La poule va finir, voyons si ma conjecture est fondée ? »

Lucien se laissa tuer ; alors, ce fut au numéro 7 à jouer sur madame Grandet. Ce numéro était tenu par un préfet en congé, grand hâbleur et porteur de toutes les prétentions, même de celle de bien jouer au billard. Ce fat montrait une exaltation de mauvais goût à parler des coups qu’il allait faire, à menacer madame Grandet de faire sa bille ou de la mal placer.

Madame Grandet, voyant son sort tellement changé par la mort de Leuwen, prit de l’humeur, les coins de sa bouche si fraîche se serrèrent entre ses dents.

« Ah ! voilà sa manière d’être piquée ! » se dit Lucien.

Au troisième mauvais coup que lui donnait le préfet impitoyable, madame Grandet regarda Lucien avec l’expression du