Page:Stendhal - Lucien Leuwen, III, 1929, éd. Martineau.djvu/17

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célèbre contait une anecdote fort plaisante sur l’abbé Barthélemy, auteur du Voyage d’Anacharsis : puis, vint une anecdote de Marmontel, ensuite une troisième sur l’abbé Delille.

« Le fond de cette gaieté est sec et triste. Ces gens d’Académie, pensa Lucien, ne vivent que sur les ridicules de leurs prédécesseurs. Ils mourront banqueroutiers envers leurs successeurs : ils sont trop timides même pour faire des sottises. Il n’y a rien ici de la joyeuse folie que je trouvais chez madame d’Hocquincourt quand d’Antin nous mettait en train. »

Au commencement d’une quatrième anecdote sur les ridicules de Thomas, Lucien n’y put tenir et regagna le grand salon par une galerie garnie de bustes que l’on tenait moins éclairée. Dans une porte, il rencontra madame Grandet qui lui adressa encore la parole.

« Je serais un ingrat si je ne me rapprochais pas de son groupe, au cas qu’il lui prenne envie de faire la madame de Staël. »

Lucien n’eut pas longtemps à attendre. On avait présenté ce soir-là à madame Grandet un jeune savant allemand à grands cheveux blonds séparés au milieu du front, et horriblement maigre. Madame Grandet