Page:Stendhal - Pensées, I, 1931, éd. Martineau.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
pensées

L’auteur français nous glace, et nous laisse toute notre raison pour juger des moyens qu’il emploie.

Imiter Shakspeare ou plutôt la nature.

*

J’ai envie de ne plus m’astreindre à lire tel ou tel ouvrage de suite, et sans me permettre d’autre lecture. Je suivrai le conseil de Seychelles qui dit que le lecteur esclave ne vaut pas mieux que l’esclave citoyen. En effet jamais je ne suis tout entier à une lecture qui m’ennuie, et l’ouvrage fini, je n’y reviens pas de longtemps.

*

Les hommes instruits aiment la gloire pédantesque parce qu’elle flatte leur amour-propre. De la manie des citations : je suis sûr d’entraîner tel homme par une citation qu’il connaît, ou qu’il m’a apprise.

Une seconde raison des citations, c’est que souvent elles sont comiques, ou d’une douce mélancolie. Par exemple si ce soir au lieu de dire « Toutes les familles ressemblent donc à la mienne » j’eusse dit : « Tutto il mondo va come la nostra famiglia », un doux sourire me serait venu en relisant ce passage par la suite.