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pensées


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Voici une observation[1] qui peut conduire à découvrir l’essence de la comédie et de la tragédie, c’est-à-dire une définition de toutes deux qui en indiquant le but complètement indique aussi, complètement, les moyens d’y parvenir.

Toutes deux sont également ennemies du genre canevas (ex. la Chute de Sejan de Ben Jonson, quelques comédies de Louvois), la tragédie amie des actions extraordinaires qui excitent la pitié, la terreur ou l’admiration, la comédie essentiellement ennemie de tout extraordinaire qui ne vient pas des caractères, et des caractères qui sont décidément au-dessous de nous.

Les événements de la tragédie présentés entre gens de notre état forment la tragédie bourgeoise, genre le pire de tous. Car l’homme abhorre le malheur ne produisant que la simple impression désagréable du malheur, il n’aime qu’on le lui présente qu’autant qu’il en tire une sensation de bonheur. Le malheur présenté dans notre classe (Beverley, le père de famille) montre un des inconvénients de la vie, cause un désespoir, et plus on donne

  1. Fructidor XII.