Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/183

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en pouvait supporter, et graduellement augmenter l’importance du citoyen à mesure que les factions auraient perdu de leur chaleur et que l’opinion publique aurait paru plus éclairée, n’était pas l’objet de sa politique ; il ne considérait pas combien de pouvoir on pouvait confier au peuple sans imprudence, mais cherchait à deviner de combien peu de pouvoir il se contenterait. La preuve qu’il avait la force nécessaire pour établir la liberté, c’est qu’il put empêcher les réactions.

Tandis qu’il était plongé dans ce problème, pour peu que l’Italie lui eût fait peur, elle était libre. Melzi ne vit pas qu’une nation n’a jamais que le degré de liberté auquel elle force.

Buonaparte, rassuré, leva le masque et marcha au despotisme ; il essayait en Italie les mesures qu’il voulait pratiquer en France[1].

Melzi vint pleurer la patrie dans la belle villa où j’écris ; il ne fallait plus qu’un instrument, et le comte Prina devint le Vasconcellos de son maître. Ce Piémontais fut un grand homme, plus grand que Colbert ; car, comme lui, il a exécuté presque tout ce qui s’est fait de grand sous un

  1. L’histoire du royaume d’Italie, de 1794 à 1814, est le plus beau sujet des temps modernes : l’idéal s’y joint au positif.