Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/53

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difficiles, ensuite parce que chacune des langues vaincues a apporté des synonymes à la langue triomphante, et Dieu sait quels synonymes ! Ils ont souvent des sens opposés. En croyant parler italien, les gens des provinces parlent encore leur dialecte. Les choses les plus simples ont des noms différents. Une rue s’appelle via à Rome, à Florence strada, à Milan contrada. Villa, à Rome, veut dire maison de campagne ; à Naples, ville ; bien plus, les tournures par lesquelles on exprime les nuances de sentiment sont opposées : un ami, à Milan, me disait ti, à Rome voi, à Florence lei. Si mon ami de Milan m’eût dit voi, j’en aurais conclu qu’il était brouillé avec moi.

Alfieri lui-même a écrit dans une langue morte (pour lui[1]) ; de là ses superlatifs, et il est venu fortifier l’enflure dont on a vu la cause. Il faut ajouter qu’un Vénitien, un Bolonais, un Piémontais, mettent le plus vif amour-propre à bien écrire le toscan. Pour comble de ridicule, les écrivains sérieux étudient le toscan dans les Canti carnavaleschi, dans la Tancia de Buonarotti, et autres livres qui amusaient

  1. Ed io gliei dico, che il verbo vagire
    Non è di Crusca ; uso îl Salvin vagito ;
    Ma ad ogni modo vagir non si può dire.

    Sat. I Pedanti.