Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/54

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la plus vile canaille de la république de Florence. C’est comme si Montesquieu avait emprunté le langage des perruquiers de Paris[1].

Un Vénitien, un Bolonais, écrivent des mots italiens, mais les tournures sont de leur pays. Cela m’a été démontré ce soir par deux ou trois cruscanti (puristes). Les plus sensés ont emprunté la clarté de la langue française ; ceux-ci sont les plus méprisés : par exemple, l’Histoire de Toscane de Pignotti, le seul livre qui, depuis Alfieri, puisse supporter la traduction. Au contraire, ils portent aux nues les Nuits romaines et la Vie d’Érostrate du comte Verri, le Chateaubriand de l’Italie.

  1. M. Botta, magistrat digne de la considération de l’Europe, et qui, après avoir régné, n’a pas mille écus de rente, écrit l’imbeccare et il dare la spogliazza pour predare.
    Il parle des ghiribizzatori che vanno girandolando arzigogoli per trar la pecunia dalla borsa del popolo.
    Il écrit conficcare et ribadire pour dire ostinazione, pecunia pour moneta, il moiniere pour il cortigiano, tamburini pour parlamentari, petizioni inflamative pour scritti sediziosi, il benvogliente pour benevolo, rinfuocolare pour inasprire, confortarsi cogli aglietti pour confortarsi conbaje, et enfin le parte deretane dell’isola pour le nord de l’île. À tout moment la pensée, qui veut être imposante, se revêt des mots les plus bas. Je crains que ce ridicule ne soit trop fort pour le dix-neuvième siècle. Je n’ai garde de parler des phrases de trente lignes ; M. Botta me répondrait qu’on voit bien que je suis étranger, et que les Italiens ont d’autres poumons que nous. Je dirais même à nos grands écrivains de France : Quoi de plus absurde que de vouloir innover dans une chose qui ne peut être que de convention !