Page:Stendhal - Rome, Naples et Florence, III, 1927, éd. Martineau.djvu/92

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une grande beauté et souvent une grande énergie d’expression. Pour moi, c’est une faute que la fable soit trop simple et les incidents trop rares ; c’est une faute que tous les caractères expriment leurs sentiments avec une égale force et une égale élégance ; que tous dirigent leurs intérêts et leurs prétentions opposées avec une politique également profonde. Mon âme ne peut perdre de vue qu’un auteur ingénieux a versifié ces dialogues si parfaits, et ces tirades si dignes de Tacite. Je ne puis jamais, même pour un moment, avoir l’illusion que j’entends de véritables personnages discutant entre eux ce qu’ils croient être leurs intérêts les plus chers. Il peut y avoir plus d’éloquence et de dignité dans le système d’Alfieri : il y a tous les charmes de l’illusion dans celui de Shakspeare. J’ai passé bien des nuits à lire Shakspeare ; je ne lis Alfieri la nuit que quand je suis en colère contre les tyrans.

« Je ne conçois pas comment les poëtes de Paris n’ont pas suivi l’exemple de M. Lemercier. En affaiblissant une tragédie d’Alfieri, il reste encore une tragédie française de la première force. Sa Mérope, par exemple, est bien supérieure à celle de Voltaire[1].

  1. Voir à l’appendice la liste des tragédies d’Alfieri.