Page:Stevenson - Enlevé !.djvu/312

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que le dernier de ces gens en guenilles, qu’il bousculait et menaçait, eût gagné une fortune en le trahissant.

Le premier jour, dès que les grillades furent à point, Cluny les arrosa du jus d’un citron qu’il pressa dans sa main, car il avait même le superflu, et nous invita à nous mettre à table.

— Ces grillades, dit-il, en les montrant, sont tout à fait pareilles à celles que j’offris à Son Altesse Royale dans cette même maison, sauf le jus de citron, car en ce temps-là, nous étions contents d’avoir à manger, et nous ne faisions pas les difficiles sur la cuisine. Et à vrai dire, il y avait plus de dragons que de citrons dans le pays en l’an quarante-six.

Je ne sais si les grillades étaient vraiment aussi bonnes que cela, mais mon cœur se révolta à leur seule vue et je pus à peine y goûter.

Pendant tout ce temps, Cluny nous conta des anecdotes sur le séjour du prince Charlie dans la Cage, en nous citant les expressions mêmes dont on s’était servi, et en se levant pour nous montrer l’endroit où l’on s’était assis.

De tout cela, je conclus que le Prince était un grand garçon gracieux, plein d’entrain, digne descendant d’une race de rois polis, mais qu’il n’avait pas la sagesse de Salomon.

J’appris aussi que pendant son séjour dans la Cage, il s’était souvent enivré, de sorte que le défaut qui finit par faire de lui une épave, s’était manifesté dès lors.

À peine le repas était-il terminé, que Cluny apporta un paquet de vieilles cartes graisseuses, poissées par les doigts, comme on eût pu en trouver dans une mauvaise auberge, et ses yeux brillèrent quand il nous proposa de jouer.

Le jeu, c’était une des choses qu’on m’avait élevé à