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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/106

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l’eau froide – ne laisse pas d’être fort appétissant pour quelqu’un d’affamé ; et quand il n’y a pas moyen de faire du feu, ou si l’on a (comme dans notre cas) toute raison de n’en pas faire, le drammach est le meilleur soutien de ceux qui ont pris la bruyère.

Sitôt la nuit tombée, nous nous remîmes en route, d’abord avec les mêmes précautions, puis bientôt avec plus de hardiesse, nous redressant de tout notre haut et allant d’un bon pas. Le chemin était très compliqué, suivant des flancs de montagne abrupts, et longeant des précipices ; des nuages s’étaient rassemblés, au coucher du soleil, et la nuit était froide et obscure ; aussi je marchais sans grande fatigue, mais dans une crainte continuelle de tomber ou de rouler à bas des pentes, et sans soupçonner rien de notre direction.

La lune se leva comme nous étions encore en route ; elle était à son dernier quartier, et resta longtemps voilée de nuages ; mais à la fin, elle se dégagea claire et me montra une foule de sombres cimes montagneuses, tandis qu’elle se reflétait loin au-dessous de nous dans le bras étroit d’un loch maritime.

À cette vue, nous fîmes halte tous deux, moi frappé d’étonnement de me trouver à pareille hauteur et marchant (me semblait-il) sur les nuages ; Alan pour vérifier sa direction.

Il fut apparemment satisfait, et il dut à coup sûr nous juger hors de portée des oreilles ennemies ; car toute la dernière partie de notre course nocturne, il trompa l’ennui du chemin en sifflant des tas d’airs, guerriers, joyeux, mélancoliques ; airs de danse qui faisaient accélérer le pas ; airs de mon pays du sud qui faisaient aspirer au retour et à la fin de mes aventures ; et tous, parmi les grandes montagnes sombres et désertes, nous tenaient compagnie le long du chemin.


XXI.La fuite dans la bruyère : la grotte de Corrynakiegh


Si tôt que vienne le jour, au début de juillet, il faisait encore noir quand nous atteignîmes notre but, une gorge à la cime d’une haute montagne, avec un ruisseau courant au milieu, et d’un côté une grotte peu profonde creusée dans le rocher. Des hêtres formaient en ce lieu un joli petit bois, qui se changeait, un peu plus loin, en sapinière. Le torrent était plein de truites, les bois de pigeons de roche ; sur l’autre flanc de la montagne, des huppes sifflaient sans arrêt et les coucous étaient nombreux. Du débouché de la gorge, nous dominions une partie de Mamore, et le loch maritime qui sépare Appin de ce district ; ce paysage, vu d’une telle hauteur, faisait mon délice et mon admiration.