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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/135

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– Ma foi, ça ne m’étonnerait pas, dit Alan. Le gentilhomme en question avait le mauvais goût d’ajouter Campbell à son nom.

– Mon père était vieux, répliqua Robin. Le combat était inégal. Vous et moi ferions mieux la paire, monsieur.

– J’y pensais, dit Alan.

J’étais presque sorti de mon lit, et Duncan s’était rapproché de ces deux coqs de combat, tout prêt à intervenir s’il devenait utile. Mais quand cette parole fut prononcée, c’était le cas ou jamais ; et Duncan, à vrai dire, un peu pâle, se jeta entre eux.

– Messieurs, dit-il, je vois la chose tout autrement. Voici ma cornemuse, et vous voilà deux gentilshommes qui en jouez, paraît-il, excellemment. On discute depuis longtemps la question de savoir qui de vous en joue le mieux. L’occasion est bonne de la résoudre.

– Eh bien, monsieur, dit Alan, toujours s’adressant à Robin, dont il n’avait point encore détourné les yeux, pas plus que Robin de lui, – eh bien, monsieur, j’ai ouï dire, moi aussi, quelque chose de ce genre. Êtes-vous musicien, comme on dit ? Sonnez-vous un peu de la cornemuse ?

– J’en joue comme un Macrimmond ! s’écria Robin.

– Ce qui n’est pas peu dire, répliqua Alan.

– J’ai dit des choses plus hardies, et contre de plus forts adversaires.

– Il est facile d’en faire l’épreuve, conclut Alan.

Duncan Dhu se hâta de décrocher la cornemuse qui constituait le meilleur de son bien, et plaça devant ses hôtes un gigot de mouton et une bouteille de cette boisson nommée « Atholl brose », et qui est faite de vieux whisky, de miel épuré et de crème, longuement mixtionnés, dans l’ordre et les proportions voulus. Les deux ennemis étaient encore tout prêts à la querelle ; mais ils s’assirent, de part et d’autre du feu de tourbe, avec un excessif déploiement de politesse. Maclaren les pressa de goûter son gigot et la « brose de la maîtresse de maison », ajoutant que sa femme était une Athole et possédait un renom universel pour son habileté dans la préparation du breuvage. Mais Robin repoussa ces présents de l’hospitalité, comme mauvais pour le souffle.

– Je vous ferai observer, monsieur, dit Alan, que je ne me suis rien mis sous la dent depuis tantôt dix heures, ce qui pour le souffle doit être pis que toutes les broses d’Écosse.

– Je ne prendrai sur vous aucun avantage, monsieur Stewart, répliqua Robin. Mangez et buvez ; je ferai de même.

Ils mangèrent tous les deux un peu de gigot et burent un verre de brose à la santé de Mme Maclaren ; puis, après beaucoup de cérémonies, Robin prit la cornemuse et joua quelques notes d’une manière entraînante.

– Oui, vous savez jouer, dit Alan ; et prenant l’instrument des mains de son rival, il joua d’abord le même air, d’une façon identique à celle de Robin, puis se perdit en des variations qu’il ornait à mesure de ces