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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/139

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et de fait, l’amère déception que je venais de subir m’empêchait d’être satisfait de rien. Il n’y avait qu’un moment, je me voyais déjà frappant à la porte de M. Rankeillor pour réclamer mon héritage, comme un héros de romance, et je me retrouvais ici, vagabond pourchassé, du mauvais côté du Forth.

– Eh bien ? dis-je.

– Eh bien, dit Alan, que voulez-vous ! Ils ne sont pas aussi bêtes que je l’imaginais. Nous avons encore le Forth à passer, David, – maudites soient les pluies qui l’ont engendré et les versants de colline qui l’ont guidé !

– Et pourquoi nous diriger vers l’Est ?

– Oh ! un hasard ! on ne sait jamais. S’il nous est impossible de passer le fleuve, il nous faut examiner ce que nous pouvons faire avec le firth[35].

– Il y a des gués sur la rivière, et pas sur le firth, dis-je.

– À coup sûr, il y a des gués, et même un pont, ricana Alan ; mais à quoi bon, si tout est gardé ?

– Eh bien, dis-je, mais une rivière se passe à la nage.

– Pour ceux qui savent nager, répliqua-t-il ; mais je ne pense pas que vous ni moi soyons fameux dans cet art ; et quant à moi, je nage comme une brique.

– Ce n’est pas pour vous contredire, Alan, repris-je, mais je crois que vous voyez les choses en noir. S’il est difficile de passer une rivière, il saute aux yeux qu’il l’est encore plus de passer un bras de mer.

– Mais il existe des bateaux, dit Alan, ou je me trompe beaucoup.

– Oui, et il existe aussi de l’argent, dis-je. Mais comme nous n’en avons ni l’un ni l’autre, c’est juste comme s’ils n’avaient jamais été inventés.

– Croyez-vous ? dit Alan.

– Je le crois.

– David, vous êtes un homme de peu d’imagination et d’encore moins de foi. Mais laissez-moi affûter mes esprits, et si je ne réussis pas à obtenir un bateau, ni à l’emprunter, ni à le voler, eh bien ! j’en fabriquerai un !

– Ah ! Ah ! je vous vois venir, dis-je. Mais il y a autre chose : si nous passons un pont, il n’ira pas le raconter ; mais si nous passons le firth, le bateau restera où il ne devrait pas être ; – on verra que quelqu’un l’y a conduit… et tout le pays avoisinant sera en rumeur.

– Ami, s’écria Alan, si je fais un bateau, je ferai quelqu’un pour le ramener ! Ainsi donc, ne me tarabustez plus de vos niaiseries, mais avancez (car c’est ce qui nous reste à faire) – et laissez Alan réfléchir pour vous.

Toute la nuit, en conséquence, nous longeâmes la rive nord du Carse, sous les hautes cimes du mont Ochil, passant auprès d’Alloa, de Clackmannan et de Culross, que nous évitâmes. Vers dix heures du