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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/153

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votre oncle est homme à défendre l’indéfendable ; et c’est, j’imagine, votre identité qu’il révoquerait en doute. Un procès est chose toujours coûteuse, et un procès de famille chose toujours scandaleuse ; en outre de quoi, si l’un ou l’autre de vos hauts faits avec votre ami M. Thomson venaient à être connus, nous pourrions bien nous brûler les doigts. L’enlèvement, à coup sûr, serait un bel atout dans notre jeu, pourvu toutefois que nous fussions à même de le prouver. Mais il peut être difficile à prouver ; et bref, mon avis est de passer un compromis avec votre oncle, peut-être même lui laissant Shaws où il s’est impatronisé depuis un quart de siècle, et de vous contenter, pour l’heure, d’une honnête provision.

Je lui répondis que je ne demandais pas mieux que d’être accommodant, et que je répugnais naturellement à laver en public le linge sale de la famille. Et alors (à part moi) je commençai à entrevoir les premiers linéaments du plan que nous devions mettre en œuvre par la suite.

– Le principal, dis-je, est de lui faire peur avec l’enlèvement.

– À coup sûr, dit M. Rankeillor, et si possible en dehors des tribunaux. Car, notez-le, monsieur David, nous trouverions bien des hommes du Covenant qui jureraient de votre séquestration ; mais une fois devant les juges, il nous serait impossible d’arrêter leur déposition, et ils lâcheraient certainement un mot ou deux de votre ami M. Thomson. Chose que (d’après ce que vous avez laissé entendre) je ne crois nullement désirable.

– Eh bien, monsieur, dis-je, voici mon idée. Et je lui développai mon projet.

– Mais ceci impliquerait ma rencontre avec le Thomson, dit-il, quand j’eus fini.

– Je le crois, en effet, monsieur.

– Diable ! diable ! s’écria-t-il, en se frottant les sourcils. Non, monsieur David, j’ai bien peur que votre plan soit irréalisable. Je n’ai rien à dire contre votre ami, M. Thomson : je ne sais rien contre lui et si je savais quelque chose, – notez-le, monsieur David, – il serait de mon devoir de le faire arrêter. Or, je m’en remets à vous : est-il sage que nous nous rencontrions ? Il peut avoir quelque chose à se reprocher. Il peut ne vous avoir pas tout dit. Il ne s’appelle peut-être même pas Thomson ! s’écria le notaire, avec un clignement ; car il y a de ces individus qui vous ramassent leur nom au bord des routes, comme d’autres grappillent des baies de houx.

– C’est à vous de décider, monsieur, répliquai-je.

Mais il était clair que mon plan le séduisait, car il demeura tout pensif jusqu’à ce qu’on nous appelât pour dîner en compagnie de Mme Rankeillor, et cette dame nous eut à peine laissés seuls devant une bouteille de vin, qu’il se remit à discuter ma proposition. Quand et où devais-je retrouver mon ami M. Thomson ; étais-je assuré de sa discrétion ? À supposer que nous venions à bout de piper le vieux renard, consentirais-je à ceci et cela ? – telles furent les questions, et d’autres