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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/160

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comme vous avez fait votre lit. Et la question présente est celle-ci : combien lui avez-vous donné ?

– Vous l’a-t-il dit ? demanda mon oncle.

– Cela me regarde, dit Alan.

– Eh bien, dit mon oncle, peu m’importe ce qu’il vous a raconté, il en a menti, et la vérité solennelle de Dieu est celle-ci : je lui ai donné vingt livres. Mais je serai tout à fait franc avec vous : à part cela il devait vendre le jeune homme à la Caroline, ce qui lui eût rapporté davantage encore, mais pas de ma poche, voyez-vous.

– Merci, monsieur Thomson, c’est tout à fait suffisant, dit le notaire en s’avançant.

Et puis, avec beaucoup de politesse :

– Bonsoir, monsieur Balfour, dit-il.

Et : – Bonsoir, oncle Ebenezer, dis-je.

Et : – Charmante nuit, monsieur Balfour, ajouta Torrance.

Mon oncle ne prononça pas une parole, d’un sens ni de l’autre ; mais il resta assis à sa place sur la marche supérieure du perron à nous regarder comme un homme changé en statue. Alan lui retira son tromblon ; et le notaire, le prenant par le bras, le fit lever du seuil, l’emmena dans la cuisine, où nous le suivîmes tous, et l’assit sur une chaise devant l’âtre où le feu s’éteignait parmi les tisons à demi consumés.

Une fois là, nous restâmes tous à le considérer un moment, fort réjouis de notre succès, mais éprouvant néanmoins une sorte de commisération devant la honte de cet homme.

– Allons, allons, monsieur Ebenezer, dit le notaire, il ne faut pas vous laisser abattre, car je vous garantis que nous ne vous ferons pas des conditions trop dures. En attendant, donnez-nous les clefs de la cave, et Torrance ira nous chercher une bouteille de vin de votre père, à l’occasion de cet événement.

Puis, se tournant vers moi et me serrant la main :

– Monsieur David, dit-il, je vous souhaite toute la prospérité possible dans votre nouvelle fortune, que je crois méritée.

Et puis, à Alan, avec une malice piquante :

– Monsieur Thomson, je vous fais mon compliment ; vous avez conduit les choses avec une parfaite maestria ; mais en un point vous avez tant soit peu dépassé les limites de ma compréhension. Dois-je entendre que votre nom est James ? ou Charles ? à moins que ce ne soit George, peut-être ?

– Et pourquoi serait-ce un de ces trois noms-là, monsieur ? riposta Alan, se redressant comme s’il eût flairé une offense.

– C’est, monsieur, que vous parliez d’un nom de roi, reprit Rankeillor, et comme il n’y eut jamais de roi Thomson, ou que, du moins, sa renommée n’est pas venue jusqu’à moi je me figurais que vous faisiez allusion à votre nom de baptême.

C’était là probablement le coup qu’Alan devait ressentir le plus vivement, et je dois avouer qu’il le prit très mal. Il ne répondit rien,