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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/162

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haut seigneur (que nous appellerons, si vous voulez bien, le duc d’A. [49]) a quelque chose à voir, et doit même éprouver quelque animosité contre lui. Sans doute, le duc d’A. est un parfait gentilhomme ; mais, monsieur David, timeo qui nocuere deos[50]. Si vous cherchez à lui ravir sa vengeance, souvenez-vous qu’il y a un moyen de supprimer votre témoignage : c’est de vous mettre sur la sellette. Vous y seriez à la même sauce que le parent de M. Thomson. Vous me répondrez que vous êtes innocent ; mais ne l’est-il pas aussi, lui ? Et pour vous, un procès capital devant un jury highlander, concernant une querelle highlander, et avec un juge highlander comme président, vous conduirait tout droit à la potence.

Or, j’avais déjà fait toutes ces réflexions et je ne leur trouvais pas de réponse satisfaisante ; ce fut donc en toute sincérité que je répondis :

– En ce cas, monsieur, je n’ai d’autre perspective que la corde, n’est-ce pas ?

– Mon cher garçon, s’écria-t-il, allez au nom de Dieu, et faites ce que vous croyez juste. Il serait triste à mon âge d’aller vous conseiller de choisir la sécurité avec la honte. Je retire ce que j’ai dit, et m’en excuse. Allez et faites votre devoir, et soyez pendu, s’il le faut, comme un gentilhomme. Il y a de pires choses au monde que d’être pendu.

– Guère, monsieur, dis-je en souriant.

– Si fait, monsieur ! s’écria-t-il, beaucoup. Et il vaudrait mieux pour votre oncle (sans chercher plus loin) qu’il fût à gigoter honorablement au bout d’une corde.

Puis il rentra dans la maison (toujours fort animé, et visiblement très content de moi) pour m’écrire deux lettres, qu’il commentait à mesure.

– Celle-ci, me dit-il, est pour mes banquiers, la Société des Lins Britanniques, et elle ouvre un crédit à votre nom. Consultez M. Thomson, il trouvera des moyens ; et ce crédit vous permettra de les réaliser. Vous serez, j’en suis persuadé, bon ménager de vos finances ; mais en faveur d’un ami comme M. Thomson, je ne reculerais pas devant la prodigalité. Du reste, pour son parent, voici le meilleur moyen ; vous allez trouver l’avocat général pour lui raconter votre histoire et lui offrir votre témoignage ; qu’il l’accepte ou non, c’est une tout autre affaire, qui dépend du duc d’A., afin que vous arriviez bien recommandé chez le Lord Avocat, je vous donne ici une lettre pour un homonyme à vous, le lettré M. Balfour de Pilrig, un homme que j’estime. Cela fera meilleur effet que vous soyez présenté par une personne de votre nom ; et le laird de Pilrig est très considéré dans le monde judiciaire et se trouve en bons termes avec le Lord Avocat Grant. À votre place, je ne le harcèlerais pas de détails ; et même (ne l’oubliez pas) je juge inutile que vous parliez de M. Thomson. Prenez exemple sur le laird : c’est un bon modèle ; avec l’Avocat général, soyez