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Page:Stevenson - Enlevé (trad. Varlet), 1932.djvu/79

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avec lui (ou, pour être plus exact, je m’assis et le regardai boire) tant qu’il fut ivre au point de pleurer sur mon épaule.

Comme sans y songer, je lui montrai, pour voir, le bouton d’Alan ; mais je me rendis compte qu’il ne l’avait ni vu ni connu. D’ailleurs, il avait quelque grief contre la famille et les amis d’Ardshiel, et avant d’être ivre, il me lut une satire, en très bon latin, mais des plus mordantes, qu’il avait composée en vers élégiaques contre une personne de ce nom.

Quand je lui parlai de mon catéchiste, il branla la tête, et me dit que j’avais eu de la chance de m’en dépêtrer.

– C’est un homme des plus dangereux, dit-il, que ce Duncan MacKrieg ; il sait tirer au jugé à plusieurs yards, et on l’a souvent accusé de vols sur les grands chemins, et une fois même d’assassinat.

– Mais le bouquet, dis-je, c’est qu’il se prétend catéchiste.

– Et pourquoi pas ? répliqua mon hôte. Il l’est bien en effet. C’est Maclean de Duart qui l’a nommé à ces fonctions, à cause de son infirmité. Mais peut-être est-ce regrettable, car il est toujours par les routes, allant d’un endroit à un autre pour faire réciter leur catéchisme aux jeunes personnes ; et sans nul doute, c’est pour le pauvre diable une grande tentation.

Finalement, lorsqu’il fut incapable de boire davantage, notre homme me conduisit à un lit, où je me couchai d’excellente humeur, ayant traversé la plus grande partie de cette longue et recourbée île de Mull, d’Earraid à Torosay, et fait cinquante milles à vol d’oiseau, mais (vu mes erreurs) beaucoup plus près de cent, en quatre jours et sans trop de fatigue. Du reste, je me trouvais en bien meilleures dispositions, de corps et d’esprit, au bout de cette longue marche, que je ne l’étais au commencement.


XVI. Le garçon au bouton d’argent à travers Morven


Il y a un service régulier de bateau entre Torosay et Kinlochaline sur la terre ferme. Les deux rives du Sound sont dans le pays du puissant clan des Macleods, et ceux qui traversèrent avec moi appartenaient presque tous à ce clan. D’ailleurs, le patron du bateau s’appelait Neil Roy Macrob ; et comme le clan des Macrobs se rattachait à celui d’Alan, et qu’Alan lui-même m’avait envoyé passer l’eau ici, je tenais beaucoup à causer en particulier avec Neil Roy.

Sur ce bateau encombré, la chose était naturellement impossible, et le passage fut une opération très longue. Il n’y avait pas de vent, et