Page:Stevenson - L’Île au trésor, trad. André Laurie.djvu/49

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des questions personnelles ? Le capitaine, à mon sens, a trop dit ou il a dit trop peu. Il nous doit une explication de ses paroles. Vous semblez entreprendre ce voyage, à contre-cœur : pourquoi cela, capitaine ?

— Mon Dieu, Monsieur, le voici. J’ai accepté ce que nous appelons une commission cachetée, en d’autres termes, j’ai consenti à prendre le commandement de ce navire pour le mener où l’ordonnera Monsieur, qui en est le propriétaire. Fort bien. Or, en arrivant à bord, je m’aperçois que tous les hommes de l’équipage en savent plus long que moi sur le but de l’expédition. Cela vous paraît-il juste ?

— Non, déclare le docteur, assurément non.

— Après cela, reprit le capitaine, j’apprends qu’il s’agit d’aller chercher un trésor : — c’est par l’équipage que je l’apprends ; — veuillez noter ce point… C’est toujours un métier hasardeux que la recherche des trésors. Les expéditions de ce genre ne sont pas mon fort, je le déclare… mais spécialement quand elles sont censées secrètes et que tout le monde connaît le secret, tout le monde, même les perroquets.

— Le perroquet de John Silver, sans doute ? demanda ironiquement M. Trelawney.

— C’est une façon de dire qu’on en parle sans se gêner, reprit le capitaine. Je suis parfaitement convaincu que ni l’un ni l’autre, Messieurs, vous n’avez la moindre idée du danger auquel vous allez vous exposer de gaieté de cœur… Eh bien, voulez-vous que je vous le dise, c’est tout simplement un danger de mort !

— Voilà qui est clair, répliqua le docteur. Mais nous nous en doutions bien un peu, capitaine. Nous acceptons ce danger, c’est notre droit. Passons au second point : vous dites que l’équipage n’est pas de votre goût. N’est-il pas composé de bons matelots ?

— Ils ne me reviennent pas du tout, voilà ce que je puis dire. Sans compter qu’on aurait pu me confier le soin de choisir mes hommes.

— En effet, dit le docteur, mon ami Trelawney aurait peut-être mieux fait de vous consulter en cette matière ; mais la négligence n’est pas intentionnelle, croyez-le bien… Et M. Arrow, votre second, ne vous plaît pas non plus ?

— Non, Monsieur. Je crois qu’il connaît son métier ; mais il est trop familier avec l’équipage. Un second doit savoir tenir son rang, que diable ! Il ne doit pas boire avec les matelots.

— Serait-ce un ivrogne ? demanda le squire.

— Je ne dis pas cela. J’affirme qu’il est trop porté à traiter ses hommes de pair à compagnon.

— Concluons, capitaine, reprit le docteur. Que désirez-vous de nous ?

— Messieurs, êtes-vous toujours décidés à partir ?…