Page:Stevenson - La Flèche noire.djvu/161

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facile à descendre ; mais la hâte de Dick était si furieuse, et si petite son expérience dans ce genre de gymnastique, qu’il resta suspendu en l’air, comme un criminel au gibet, tantôt il se cognait la tête, tantôt s’abîmait les mains contre le rugueux mur de pierre. L’air grondait dans ses oreilles ; il voyait les étoiles au-dessus de sa tête, et les étoiles reflétées au-dessous de lui, dans l’eau du fossé, tournoyant comme les feuilles mortes avant l’orage. Et alors il perdit prise et tomba la tête la première dans l’eau glacée.

Quand il revint à la surface, sa main rencontra la corde, qui, allégée de son poids, surnageait sans direction. Il y avait en l’air une lueur rouge, et, levant la tête, il vit à la clarté de plusieurs torches et d’un falot plein de charbons, brûlants, les créneaux garnis de têtes. Il vit les yeux des hommes regarder de ci et de là à sa recherche, mais il était trop loin en bas, la lumière ne l’atteignait pas et ils regardaient en vain.

Il s’aperçut alors que la corde était trop longue, et il se mit à se débattre du mieux qu’il pût vers l’autre côté du fossé, gardant toujours la tête hors de l’eau. Il parvint ainsi à faire plus de la moitié du chemin ; le bord était presque à portée de sa main, avant que la corde ne commençât à le tirer en arrière par son poids. Prenant son courage à deux mains, il l’abandonna et fit un saut vers les rameaux flottants d’un saule