Page:Suarès - Debussy, 1922.djvu/123

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détaché. Dans l’autre, il est réveillé ; il ne regarde plus sa souffrance : il souffre. L’unité ne manque pas à ces œuvres pantelantes et saccadées ; mais elle est presque partout suspendue par le cri sourd et le frémissement. Fragments, si l’on veut ; mais quelques-uns d’une force et d’une beauté entières. Quant au génie, il est toujours aussi original. Le premier temps de l’une et de l’autre Sonate, je ne sache rien qu’on y puisse opposer depuis un siècle, dans la littérature du violoncelle et du violon[1].

  1. La plupart des Sonates pour les deux instruments paraissent sans couleur près de celles-là ; et celles du dernier siècle tout à fait vulgaires. Qu’on s’en assure par cette seule remarque : les deux Sonates de Debussy sont nées, plus ou moins directement, des Sonates de Schumann. Or, par le simple souvenir qu’on en garde, comme un écho lointain, elles rendent les Sonates de Schumann presque insipides, dans leur naïveté échevelée et leur passion débile : Schumann est sentimental jusqu’à la nausée, comme Chopin ; Debussy, à la fin, ne l’est jamais.