Page:Suarès - Sur la mort de mon frère.djvu/81

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qu’ils ne font pas ; et, dès qu’il faut agir, chaque désir les quitte. Les murs déserts semblaient me repousser ; je sentais peser sur ma tête le sommeil de la maison vide. Je sortis donc, doucement ; et, comme je fermais la porte, je pensai qu’une ombre intérieure l’avait soudain poussée sur moi.

Je sortis ; et j’errais sous le ciel gris, dans la Ville immense.

C’était la tristesse de l’aube, eût-on dit. Pourtant, il ne faisait pas froid. Le livide frisson de la première heure est celui de Lazare, lorsque, à l’appel de son Seigneur, il remue dans le linceul. Et ainsi, dans les transes de l’aube, la nature en travail sourit à sa souffrance : car elle y a l’espoir de la Résurrection. Mais ce jour douteux était tiède ; l’air sans morsure enveloppait la tristesse, tel on entoure un blessé de charpie. Une odeur fade traînait