Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/107

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qu’il ne l’avait été depuis bien longtemps.

J’étais tellement absorbé par mon amour, que je ne réfléchissais que rarement, et presque malgré moi, au changement qui s’était opéré dans ma douleur. Il y avait environ neuf mois que j’avais perdu mon père, et pourtant ce souvenir, d’abord d’une amertume si incessante, s’affaiblissait peu à peu : j’avais commencé par aller chaque matin au cimetière, puis j’y allai moins ; plus tard enfin, je remplaçai cette triste et pieuse visite par quelques heures passées chaque jour à méditer devant le portrait de mon père.

J’avais fait mettre ce portrait dans un cadre fermé par deux battants, pensant que c’est profaner l’image de ceux qui nous sont chers que de les laisser exposés aux yeux des insouciants, et aussi, qu’une telle contemplation, à laquelle on vient demander de hautes et sérieuses pensées, devait être préméditée, et non due au hasard qui pouvait y porter nos regards ; le cadre qui contenait ce portrait était donc pour moi une sorte de tabernacle, que je n’ouvrais jamais qu’avec un douloureux et saint recueillement.

Mais, hélas ! ces méditations, d’abord journalières, devinrent aussi moins fréquentes, et