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Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/108

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par cela même que mes yeux ne se pouvaient habituer à voir avec indifférence cette image sacrée, que je contemplais de plus en plus rarement, je ne saurais dire mon impression presque craintive quand j’ouvrais ce cadre : le cœur me battait horriblement en regardant la sévère et pâle figure de mon père, qui semblait sortir de la toile avec son imposant caractère de calme et de tristesse, et venir froidement constater mon ingratitude et mon oubli de sa mémoire, qu’il m’avait, hélas ! prédits.

Alors, épouvanté, je fermais brusquement le cadre, et je pleurais, maudissant mon indifférence ; mais ces regrets déchirants duraient peu, et je sentais une indicible angoisse, en me disant : « J’éprouve à cette heure une sensation cruelle, et pourtant, demain, ce soir peut-être, je l’aurai oubliée, et je serai souriant et heureux auprès d’Hélène !… »

Non ! rien ne pourrait exprimer le pénible ressentiment de cette pensée, qui, venant insulter à ma douleur, m’en démontrait la vanité prochaine, au milieu même du désespoir le plus navrant et le plus vrai.

Enfin, je l’avoue à ma honte, étant demeuré près d’un mois sans ouvrir le cadre, j’eus l’incroyable lâcheté de ne plus oser y jeter les