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Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/109

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yeux, tant je craignais cette sorte d’apparition redoutée… ce fut plus tard que je la bravai… et on verra combien ce fait insignifiant en soi réagit sur ma destinée tout entière.

Ces impressions, qui me frappent maintenant que je les analyse à froid, m’agitaient sans doute plus confusément alors ; mais, bien qu’absorbé dans l’enivrement d’un premier amour, je sentais néanmoins leur réaction sourde et cruelle.

J’ai dit que j’aimais Hélène ; les phases de cet amour furent bien étranges, et me révélèrent de misérables instincts d’égoïsme, d’orgueil et d’incrédulité jusque-là endormis en moi.

Jamais, hélas ! je n’oserai blâmer mon père de m’avoir donné les terribles enseignements que j’ai dits : mon bonheur était son vœu le plus ardent ; mais de même que certaines plantes sauvages et vigoureuses, transportées dans un sol trop faible pour les nourrir, le dévorent vite, et s’étiolent sans fleurs et sans fruits, évidemment ma nature morale n’était pas assez forte pour profiter d’aussi formidables préceptes ; chez mon père, ces rudes et sombres convictions s’épanouissaient au moins en bienveillance et en pardon pour tous ; chez moi cette