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Page:Sue - Arthur, T1, 1845.djvu/88

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et je m’y assoyais avec mon père : je rangeais les pièces, et nous commencions le simulacre d’une partie ; car mon père, toujours profondément absorbé, ne jouait pas : seulement, à de longs intervalles, il poussait au hasard une des pièces sur le damier, j’en avançais une autre, pour la forme… et le silence continuait ; car c’était une sorte de contenance machinale, bien plus qu’une distraction, que mon père cherchait dans cette apparence de jeu.

Durant ce temps-là, ma tante lisait, et Hélène se mettait au piano pendant environ une heure.

Cette heure de musique était, avec sa promenade au parc des chevaux, les deux seuls accidents de la journée qui parussent faire quelque impression sur mon père ; car, tout en continuant de mouvoir au hasard les échecs, il disait à Hélène, de sa voix grave et pénétrante : « Jouez tel air, je vous prie, Hélène. »

Quelquefois, mais bien rarement, il lui faisait répéter deux ou trois fois le même morceau ; alors il s’accoudait sur l’échiquier, cachait sa tête dans ses deux mains, et semblait profondément recueilli…

Un jour seulement, après avoir redemandé le même chant, je vis ses yeux baignés de lar-