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Page:Sue - Arthur, T3, 1845.djvu/89

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vement instinctif, et non le fruit de la réflexion.

Et puis, cette action m’avait-elle coûté ? Non, je n’avais pas hésité un instant ; le mérite en était donc médiocre, car la valeur d’une action ne saurait être jugée qu’en raison des sacrifices qu’elle impose.

Un millionnaire donnant un louis à un pauvre m’a toujours peu touché ; ce pauvre, partageant ce louis avec un plus malheureux que lui, me paraîtrait sublime.

Une fois sous l’obsession de ces paradoxes, aussi tristes qu’insensés, je ne m’arrêtai plus.

Ma bravoure ne fut pas moins rabaissée à mes propres yeux.

En me montrant si intrépide dans ma lutte contre ces pirates, me disais-je, avais-je un moment pensé à l’honneur de soutenir dignement le nom français aux yeux des Anglais, à délivrer la mer des brigands qui l’infestaient, à prouver à Falmouth que, malgré la faiblesse maladive de mon caractère, je possédais au moins le courage d’action ; avais-je au moins été emporté par la soif du danger, par une fureur aveugle, mais pleine d’audace : non… j’avais sans doute obéi à un instinct machinal de conservation ; j’avais rendu coup pour coup ;