Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 7-8.djvu/461

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et, j’en suis certaine, mieux que personne, vous comprendrez ce que je souffre, et vous me plaindrez…

— Vous plaindre… mademoiselle ? dit la Mayeux, dont l’étonnement augmentait encore, vous si grande dame et si enviée… moi si humble et si infime, je pourrais vous plaindre ?

— Dites, ma pauvre amie, reprit Adrienne après quelques instants de silence, les douleurs les plus poignantes ne sont-ce pas celles que l’on n’ose avouer à personne, de crainte des railleries ou du mépris ?… Comment oser demander de l’intérêt ou de la pitié pour des souffrances que l’on n’ose s’avouer à soi-même, parce qu’on en rougit à ses propres yeux ?

La Mayeux pouvait à peine croire ce qu’elle entendait ; sa bienfaitrice eût, comme elle, éprouvé un amour malheureux, qu’elle n’aurait pas tenu un autre langage ; mais l’ouvrière ne pouvait admettre une supposition pareille ; aussi, attribuant à une autre cause les chagrins d’Adrienne, elle répondit tristement en songeant à son fatal amour pour Agricol :

— Oh ! oui, mademoiselle, une peine dont on a honte… cela doit être affreux !… Oh ! bien affreux !

— Mais aussi quel bonheur de rencontrer, non-seulement un cœur assez noble pour vous