Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/106

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— Eh bien ! mon frère ?

— Hélas ! de nouvelles craintes viennent m’assaillir… quand je songe à rentrer dans cette vie agitée, dans ce monde… où j’ai tant souffert…

— Mais ces craintes, qui les fait naître ? dit Gabriel avec un intérêt croissant.

— Écoutez-moi, mon frère, reprit M. Hardy, j’avais concentré tout ce qui me restait de tendresse, de dévouement dans le cœur, sur deux êtres… sur un ami que je croyais sincère, et sur une affection plus tendre ;… l’ami m’a trompé d’une manière atroce ;… la femme… après m’avoir sacrifié ses devoirs, a eu le courage, et je ne puis que l’en honorer davantage, a eu le courage de sacrifier notre amour au repos de sa mère, et elle a quitté pour jamais la France… Hélas ! je crains que ces chagrins ne soient incurables et qu’ils ne viennent m’écraser au milieu de la nouvelle voie que vous m’engagez à parcourir. J’avoue ma faiblesse ;… elle est grande… et elle m’effraye d’autant plus que je n’ai pas le droit de rester oisif, isolé, tant que je puis encore quelque chose pour l’humanité ; vous m’avez éclairé sur ce devoir, mon frère ;… seulement toute ma crainte, malgré ma bonne résolution… est, je vous le répète, de sentir les forces m’abandonner, lorsque je