Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/132

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horrible, il s’est jeté dans de si graves désordres, que Dieu doit être bien irrité… contre lui ; je suis si vieux, que c’est à peine si, en passant dans de ferventes prières le peu de jours qui me restent, je puis espérer de désarmer le juste courroux du Seigneur. Oh ! la prière, la prière… c’est l’abbé Gabriel qui m’en a révélé toute la puissance, toute la douceur… mais aussi les redoutables devoirs qu’elle impose.

— En effet… ces devoirs sont grands et sacrés…, répondit M. Hardy d’un air pensif.

— Connaissez-vous la vie de Rancé ? dit tout à coup Rodin en jetant sur M. Hardy un regard d’une expression étrange.

— Le fondateur de l’abbaye de la Trappe ?… dit M. Hardy, surpris de la question de Rodin ; j’ai très-vaguement, et il y a bien longtemps, entendu parler des motifs de sa conversion.

— C’est qu’il n’y a pas, voyez-vous ? d’exemple plus saisissant de la toute-puissance de la prière… et de l’état d’extase presque divin où elle peut conduire les âmes religieuses… En quelques mots, voici cette instructive et tragique histoire : M. de Rancé… Mais, pardon… je crains d’abuser de vos moments.

— Non… non…, reprit vivement M. Hardy ; vous ne sauriez croire, au contraire, combien