Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/181

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soir, mon vieux camarade ; descends chez toi, va te reposer. » Moi, je me garde bien de m’en aller ; je fais semblant de descendre et je remonte m’asseoir sur la dernière marche de l’escalier, l’oreille au guet. Sans doute, pour se calmer tout à fait, le maréchal a été embrasser ses filles, car j’ai entendu ouvrir et refermer la porte qui conduit chez elles. Puis, il est revenu, s’est encore promené longtemps dans sa chambre, mais d’un pas plus calme ; enfin, je l’ai entendu se jeter sur son lit, et je ne suis redescendu chez moi qu’au jour… Heureusement le reste de sa nuit m’a paru tranquille.

— Mais que peut-il avoir, mon père ?

— Je ne sais ;… lorsque je suis monté, j’ai été frappé de l’altération de sa figure, de l’éclat de ses yeux… il aurait eu le délire ou une fièvre chaude, qu’il n’eût pas été autrement ;… aussi, lui entendant dire que si la fenêtre avait été ouverte, il s’y serait jeté, j’ai cru prudent d’ôter les capsules de ses pistolets.

— Je n’en reviens pas ! dit Agricol. Le maréchal… un homme si ferme, si intrépide, si calme… avoir de ces emportements !…

— Je te dis qu’il se passe en lui quelque chose d’extraordinaire ; depuis deux jours il n’a pas une seule fois vu ses enfants, ce qui pour lui est toujours mauvais signe, sans compter que