Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/186

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entre leurs bras au fond de la Sibérie semble les avoir suivies comme un nuage sinistre et sombre qui, planant toujours sur elles, leur a caché sans cesse le doux bleu du ciel et le réjouissant éclat du soleil.

La ville d’or de leurs rêves ! c’était encore la ville où peut-être un jour leur père leur aurait dit, en leur présentant deux prétendants bons et charmants comme elles : « Ils vous aiment… leur âme est digne de la vôtre : faites que chacune de vous ait un frère… et moi, deux fils. » Alors quel trouble chaste et enchanteur pour les orphelines, dont le cœur, pur comme le cristal, n’avait jamais réfléchi que la céleste image de Gabriel, archange envoyé du ciel par leur mère pour les protéger !

L’on comprendra donc l’émotion pénible de Blanche lorsqu’elle entendit sa sœur dire avec une tristesse amère ces mots qui résumaient leur position commune :

— Je pense… à la ville d’or de nos rêves…

— Qui sait ? reprit Blanche en essuyant les larmes de sa sœur, peut-être le bonheur nous viendra-t-il plus tard.

— Hélas ! puisque, malgré la présence de notre père, nous ne sommes pas heureuses… le serons-nous jamais ?

— Oui… quand nous serons réunies à notre