Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/194

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sirées ; il nous aime bien comme les filles de notre pauvre mère qu’il adorait ;… mais, pour lui, nous ne sommes pas les filles qu’il avait rêvées. Me comprends-tu, ma sœur ?

— Oui… oui… c’est peut-être cela qui le chagrine tant… Nous sommes si peu instruites, si sauvages, si gauches, qu’il a sans doute honte de nous ; et, comme il nous aime malgré cela… il souffre…

— Hélas ! ce n’est pas notre faute… notre bonne mère nous a élevées dans ce désert de Sibérie comme elle a pu…

— Oh ! notre père, en lui-même, ne nous le reproche pas, sans doute ; mais, comme tu dis, il en souffre.

— Surtout s’il a des amis dont les filles soient bien belles, remplies de talent et d’esprit ; alors, il regrette amèrement que nous ne soyons pas ainsi.

— Te rappelles-tu, lorsqu’il nous a menées chez notre cousine, mademoiselle Adrienne, qui a été si tendre, si bonne pour nous, comme il nous disait avec admiration : « Avez-vous vu, mes enfants ? Qu’elle est belle, mademoiselle Adrienne ! quel esprit ! quel noble cœur ! et avec cela quelle grâce ! quel charme ! »

— Oh ! c’est bien vrai… mademoiselle de Cardoville était si belle, sa voix était si douce,