Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/195

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qu’en la regardant, qu’en l’écoutant, il nous semblait que nous n’avions plus de chagrin.

— Et c’est à cause de cela, vois-tu, Rose, que notre père, en nous comparant à notre cousine et à tant d’autres belles demoiselles, ne doit pas être fier de nous… Et lui, si aimé, si honoré, il aurait tant aimé être fier de ses filles.

Tout à coup, Rose, mettant sa main sur le bras de sa sœur, lui dit avec anxiété :

— Écoute… écoute… on parle bien haut dans la chambre de notre père.

— Oui…, dit Blanche en prêtant l’oreille à son tour ; et puis on marche… c’est son pas…

— Ah ! mon Dieu !… comme il élève la voix ! il a l’air bien en colère… il va peut-être venir…

Et à la pensée de l’arrivée de leur père… de leur père qui pourtant les adorait, les deux malheureuses enfants se regardèrent avec crainte.

Les éclats de voix devenant de plus en plus distincts, plus courroucés, Rose, toute tremblante, dit à sa sœur :

— Ne restons pas ici… viens dans notre chambre…

— Pourquoi ?

— Nous entendrions malgré nous, les paroles de notre père, et il ignore sans doute que nous sommes là…