Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/204

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— C’est intolérable. J’ai voulu en avoir le cœur net ; ce matin je vais chez le général d’Havrincourt ; il était avec moi colonel dans la garde impériale : c’est l’honneur et la loyauté même. Je viens à lui le cœur ouvert. « Je m’aperçois, lui dis-je, de la froideur qu’on me témoigne ; quelque calomnie doit circuler contre moi ; dites-moi tout ; connaissant les attaques, je me défendrai hautement, loyalement. »

— Eh bien ! mon général ?

— D’Havrincourt est resté impassible, cérémonieux ; à mes questions, il m’a répondu froidement :

« — Je ne sache pas, M. le maréchal, qu’aucun bruit calomnieux ait été répandu sur vous. — Il ne s’agit pas de m’appeler M. le maréchal, mon cher d’Havrincourt, nous sommes de vieux soldats, de vieux amis ; j’ai l’honneur inquiet, je l’avoue, car je trouve que vous et nos camarades ne m’accueillez plus cordialement comme par le passé. Ce n’est pas à nier… je le vois, je le sais, je le sens… » À cela d’Havrincourt me répond avec la même froideur : « Jamais je n’ai vu qu’on ait manqué d’égards envers vous. — Je ne vous parle pas d’égards, » me suis-je écrié en serrant affectueusement sa main, qui a faiblement répondu à mon étreinte ; je l’ai bien remarqué ; « je vous parle