Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/206

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rentes pour moi… Oui, ajouta le maréchal en voyant la stupeur de Dagobert, et elles ne savent pourtant pas combien elles me sont chères.

— Vos filles… indifférentes ! reprit Dagobert avec stupeur, vous leur faites ce reproche ?

— Eh ! mon Dieu ! je ne les blâme pas ; à peine si elles ont eu le temps de me connaître.

— Elles n’ont pas eu le temps de vous connaître, reprit le soldat d’un ton de reproche en s’animant à son tour. Ah ! et de quoi leur mère leur parlait-elle, si ce n’est de vous ? Et moi donc, est-ce qu’à chaque instant vous n’étiez pas en tiers avec nous ? Et qu’aurions-nous donc appris à vos enfants, sinon à vous connaître, à vous aimer ?

— Vous les défendez… c’est justice ;… elles vous aiment mieux que moi, dit le maréchal avec une amertume croissante.

Dagobert se sentit si péniblement ému, qu’il regarda le maréchal sans lui répondre.

— Eh bien ! oui, s’écria le maréchal avec une douloureuse expansion, oui, cela est lâche et ingrat, soit ; mais il n’importe !… Vingt fois j’ai été jaloux de l’affectueuse confiance que mes enfants vous té-