Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/248

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— Si tôt que cela, mon père ?

— C’est presque certain ; j’ai donc pu, usant de mes dispenses, faire recevoir ce cher pénitent, in articulo mortis, membre de notre sainte compagnie, à laquelle, selon la règle, il a abandonné tous ses biens, présents et futurs ;… de sorte qu’à cette heure il n’a plus à songer qu’au salut de son âme… Encore une victime du philosophisme arrachée aux griffes de Satan.

— Ah ! mon père, s’écria la dévote avec admiration, c’est une miraculeuse conversion ;… le père d’Aigrigny m’a dit combien vous aviez eu à lutter contre l’influence de l’abbé Gabriel.

— L’abbé Gabriel, reprit Rodin, a été puni de s’être mêlé de ce qui ne le regardait point et d’autres choses encore… J’ai exigé son interdiction… et il a été interdit par son évêque et révoqué de sa cure… On dit qu’afin de passer le temps il court les ambulances de cholériques pour y distribuer des consolations chrétiennes. On ne peut s’opposer à cela… mais ce consolateur ambulant sent son hérétique d’une lieue…

— C’est un esprit dangereux, reprit la princesse, car il a une assez grande action sur les hommes ; aussi n’a-t-il pas fallu moins que votre éloquence admirable, irrésistible, pour ruiner les détestables conseils de cet abbé