Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ne sais pas ce que sont mes insomnies… je ne te disais pas cela… mais, vois-tu, dans mon égarement, chaque nuit, je t’appelle, je pleure, j’éclate en sanglots… comme je t’appelais, comme je pleurais, quand je croyais que tu ne m’aimais pas… et pourtant je sais que tu m’aimes, que tu es à moi ! Mais aussi te voir… te voir chaque jour plus belle, plus adorée… et chaque jour te quitter plus enivré… non, tu ne sais pas…

Djalma ne put continuer.

Ce qu’il disait de ses tortures dévorantes, Adrienne l’avait aussi ressenti, peut-être encore plus vivement que lui ; aussi, troublée, enivrée par l’accent électrique de Djalma si beau, si passionné, elle sentit son courage faiblir… Déjà une langueur irrésistible paralysait ses forces, sa raison, lorsque tout à coup, par un suprême effort de chaste volonté, elle se leva brusquement, et se précipitant vers une porte qui communiquait à la chambre de la Mayeux, elle s’écria :

— Ma sœur !… ma sœur !… sauvez-moi !… sauvez-nous !…

Une seconde à peine s’était écoulée, et mademoiselle de Cardoville, le visage inondé de larmes, toujours belle, toujours pure, serrait entre ses bras la jeune ouvrière, tandis que