Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/441

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Hélas ! puissiez-vous dire vrai, monseigneur ! répondit le métis avec accablement après un moment de silence, et comme touché des paroles de Djalma ; et pourtant je me dis : Il est donc pour cette femme quelque chose au-dessus de son amour pour moi ;… délicatesse, scrupule, dignité, honneur… soit ;… mais elle ne m’aime pas assez pour me sacrifier ses délicatesses, ses scrupules, sa dignité, son honneur ;… il n’importe… je me dirai… après tout cela… vient peut-être le tour de mon amour…

— Ami, tu te trompes, reprit doucement Djalma, quoiqu’il eût encore ressenti une impression pénible aux paroles du métis ; oui, tu te trompes : plus l’amour d’une femme est grand, plus il est digne et chaste ;… c’est l’amour seul qui éveille ces scrupules, ces délicatesses ; il domine tout… au lieu d’être dominé par tout.

— Cela est juste, monseigneur… reprit le métis avec une ironie amère. Cette femme m’impose sa façon d’aimer, de me prouver son amour ; c’est à moi de me soumettre…

Puis, s’interrompant tout à coup, le métis cacha son visage dans ses mains, et poussa un long gémissement ; ses traits exprimaient un mélange de haine, de rage et de désespoir, à la fois si effrayant et si douloureux, que Djalma,