Page:Sue - Le Juif errant - Tomes 9-10.djvu/50

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mieux vaut oublier que se souvenir, car les hommes sont si ingrats, si méchants, que presque tout souvenir est amer, n’est-ce pas, mon cher fils ?

— Hélas ! il n’est que trop vrai, mon père.

— J’admire toujours votre pieuse résignation, mon cher fils. Ah ! combien cette constante douceur dans l’affliction est agréable à Dieu ! Croyez-moi, mon tendre fils, vos larmes et votre intarissable douceur sont une offrande qui, auprès du Seigneur, méritera pour vous et pour vos frères… Oui, car l’homme n’étant né que pour souffrir en ce monde… souffrir avec reconnaissance envers Dieu qui nous envoie nos peines… c’est prier ;… et qui prie, ne prie pas pour soi seul… mais pour l’humanité tout entière.

— Fasse du moins le ciel… que mes douleurs ne soient pas stériles !… Souffrir, c’est prier, répéta M. Hardy, en s’adressant à lui-même, comme pour réfléchir sur cette pensée. Souffrir, c’est prier… et prier pour l’humanité tout entière ;… pourtant… il me semblait autrefois…, ajouta-t-il en faisant un effort sur lui-même, que la destinée de l’homme…

— Continuez, mon cher fils… dites votre pensée tout entière, dit le père d’Aigrigny voyant que M. Hardy s’interrompait.