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rudes épreuves que j’eus à supporter, ayant toujours présents à la pensée ces mots de Claude Gérard :

« — Dieu échappe à nos regards, et cependant nous l’adorons, nous le respectons, nous sentons qu’il nous guide et nous soutient dans la bonne voie… qu’il en soit ainsi de ton amour pour cette jeune fille mystérieuse, étoile de la vie… »

Et il en avait été ainsi : dans mon adoration pour Régina, invisible et absente, j’avais puisé la force de combattre les entraînements que la misère rendait presque irrésistibles.

La rencontre imprévue de Robert de Mareuil était donc, pour mille raisons, d’un puissant intérêt pour moi. Aussi fut-ce avec un grand battement de cœur que je frappai à la porte de la chambre où se trouvaient Balthazar et Robert.

— Entrez, — me dit le poète.

Puis, à ma vue, il s’écria avec une joyeuse exaltation :

— Robert… voici notre galion !… tu arrives à propos… nous allons prendre un bain d’or…

Ce disant, le poète, dont les yeux étincelaient comme des escarboucles, s’empara de la fameuse boîte à recettes, que je tenais entre mes mains ; mais la trouvant, hélas ! d’une terrible légèreté, il haussa les épaules, et s’écria avec un accent d’impatience et de reproche :

— Allons… encore des billets de banque ?… de ces graillons sordides, imprégnés de toute la crasse des doigts des caissiers !

Il est impossible de peindre l’expression de dégoût