Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/127

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

dignait, et rafraîchir son front brûlant au froid contact de l’air du dehors.

Le mulâtre et le comte Duriveau continuant de s’entretenir sous la voûte de la porte-cochère, n’avaient ni entendu le bruit de la fenêtre qui s’ouvrait, ni aperçu Régina.

Jamais celle-ci ne m’avait paru d’une beauté plus imposante ; ses longs cheveux noirs, tressés en deux nattes épaisses, encadraient son visage pur, chaste et fier comme celui de la Diane antique ; une robe noire très-simple dessinant sa taille noble et svelte, complétait l’austère ensemble de la figure de cette jeune fille.

Je la contemplais avec une sorte d’adoration craintive, respectueuse, et, involontairement, mes yeux se mouillèrent de larmes quand je me dis :

— Pauvre malheureux, cache cet amour qui est ta vie, ta force, ta persévérance dans le bien ; ta haine contre le mal ; cache-le, cet amour, au plus profond de ton cœur ; que cette unique divinité de ton âme ignore à jamais que tu la pries, que tu l’invoques, que tu l’implores, que tu te dévoues pour elle… autant que peut lui être utile le dévoûment inconnu d’une créature obscure et misérable comme toi.

Régina, sans doute sous l’empire d’une violente émotion, ne m’avait pas aperçu, car elle regardait en face d’elle, et je ne la voyais que de profil, à demi caché que j’étais dans l’embrasure de la porte ; mais ayant, par hasard, tourné la tête de mon côté, la jeune fille se retira brusquement, et la fenêtre se referma aussitôt.

Ce mouvement fut si rapide qu’il était impossible que Régina m’eût seulement regardé ; elle avait vague-