Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/155

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Celle-ci remit à son tour une lettre au marchand de jouets, qui dit, en la lisant :

— À la bonne heure, ta maîtresse à toi est une femme d’ordre, mon enfant ; elle est cupide, elle est avare ; elle songe à l’avenir, elle pense au solide, et elle n’a pas dix-huit ans ! et elle est belle comme un astre… Mais aussi elle connaît ses fils de famille par cœur ; et elle joue de ces imbéciles-là sur tous les airs, tant qu’ils sont ses amants… Voyons ce qu’elle me veut.

Et, ce disant, M. Bonin décacheta la lettre.

J’ai su depuis ce qu’elle contenait ; le voici dans toute sa naïve simplicité, sauf une horrible orthographe qu’il est inutile de rapporter :

« Mon bon vieux,

» Le petit marquis veut me donner pour soixante mille francs de diamants, mais il n’est pas en fonds pour le moment, son intendant attend des rentrées d’ici à trois ou quatre mois… des vraies rentrées… j’en suis sûre… mais trois mois !… c’est long, et puis vaut mieux tenir qu’attendre… et puis, il y a un Russe très-riche dont on m’a parlé… vous comprenez ; enfin, ce serait comme le denier d’adieu du marquis, aussi je lui ai dit que je voulais les diamants tout de suite, et que, comme il n’avait pas d’argent comptant… je connaissais quelqu’un qui pourrait lui prêter soixante mille francs, mais à 20 % d’intérêts payé d’avance pour six mois.

» Ce quelqu’un-là, c’est moi ; mais en apparence ça sera vous ; j’ai ordonné à mon agent de change de vendre pour 3,200 livres de mes rentes, vous vous aboucherez avec l’intendant du petit marquis, vous