Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/154

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— Vous direz au duc, — dit au chasseur le marchand de jouets d’enfants, après avoir lu, — que je n’ai pas le temps d’aller aujourd’hui chez lui, examiner les objets dont il me parle… qu’il les apporte ou qu’il les envoie demain soir, de sept à huit heures, à l’heure de mon dîner, je les verrai, et je dirai ce que ça vaut.

— Comment ? comment ? — reprit le chasseur avec l’impertinente familiarité d’un laquais de grande maison, — ce n’est pas ça ; M. le duc entend que vous veniez le voir aujourd’hui.

— Eh bien ! M. le duc ne me verra pas, voilà tout, — répondit M. Bonin avec une froide ironie ; — qu’il vienne demain… à l’heure de mon dîner… il me trouvera…

— C’est tout de même joliment drôle qu’un duc et pair, fils d’un maréchal de l’Empire, soit obligé d’être à vos ordres, — dit le chasseur blessé pour ainsi dire dans l’amour-propre de son maître.

— Ah bah ? vraiment ! — dit le marchand de jouets, — il faut pourtant qu’il se donne cette petite peine-là, puisqu’il veut emprunter sur les crachats, l’épée et autres brimborions en diamants de feu son père, ce cher petit seigneur ! Quant à vous, mon garçon, croyez-moi, si votre jeune maître vous doit des gages, faites-vous payer… Il est à bout de ses pièces. Quand la maison se lézarde… les rats s’en vont,… et ils ont bon nez… Profitez de l’apologue… Bonsoir.

Le chasseur parut en effet assez frappé de l’apologue, et sortit après avoir fait un signe d’intelligence à la soubrette.