Page:Sue - Martin l'enfant trouvé, vol. 5-6.djvu/256

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Bamboche, il existait une lacune que je tâchais en vain de combler ; le bouvier entra et me dit : — Allons, en route, petite. — Je lui demandai ce qu’il me voulait, comment je me trouvais dans cette étable, et je lui racontai (sauf quelques détails) l’aventure qui m’avait rendue sans doute folle d’épouvante ; la commisération de ce digne homme augmenta, et il me dit comment il m’avait rencontrée et regardée comme une idiote abandonnée. Je sus de lui que je me trouvais alors à trente ou quarante lieues de l’endroit où Bamboche avait été tué, (je le croyais mort) et où tu avais sans doute été arrêté, Martin. Malgré la pitié que je lui inspirais, le bouvier ne pouvait me garder à sa suite, son commerce forain le conduisait d’une province à une autre, et, son troupeau vendu, il devait acheter des mulets dans les environs de Limoges. — Je ne peux pourtant pas, petite, te laisser comme ça sur le pavé, — me dit-il ; — l’hôtesse chez qui je loge ordinairement dans mes voyages, est une bonne femme ; je lui demanderai de te prendre pour aider ses servantes ; tu auras, du moins, en attendant mieux, du pain et un abri. Nous arrivâmes le soir dans un des faubourgs de Limoges, à l’auberge où s’arrêtait ordinairement le bouvier ; sa demande en ma faveur fut assez mal accueillie par l’aubergiste ; mais enfin elle consentit à me garder. Je restai quelque temps dans cette auberge, servante des autres domestiques ; vivant de leurs restes, et couchant dans un coin de l’écurie. Je croyais Bamboche mort, quarante lieues peut-être me séparaient de l’endroit où je t’avais perdu, mon bon Martin, et si dure que me semblât ma position dans l’auberge de Limoges, je n’osais pas en sortir pour recommencer seule une vie